ARPEC

Visages promis, visages perdus !
Par François JEUNE
Un portrait anonyme de l'espèce humaine ?

Visages promis... seraient les visages de nos ancêtres, que l'on voudrait découvrir sur les parois préhistoriques. Pourquoi ces visages de l'origine sont-ils si peu nombreux au rendez-vous ? Quelques repr�sentations confuses, ? Altamira, Marsoulas ou Vilhonneur certes, mais qui se comptent sur les doigts de la main. ? la place de ces visages absents des représentations pal?olithiques c'est parfois le corps tout entier - f?minin - et surtout le choix de certaines repr?sentations animales qui s'impose, si merveilleusement trait?es que l'on se prend parfois ? r?ver de pouvoir rencontrer le m?me souci d'observation pour la face humaine...

Visages perdus... sont les visages disparus, comme effac?s, que l'on trouve plus pr?s de nous dans l'art moderne et contemporain. C'est ? une troublante d?figuration ? laquelle nous assistons depuis bient?t un si?cle, comme chez Alexis Jawlensky o? le visage humain perd petit ? petit ses traits caract?ristiques, et retourne au statut anonyme, de portrait de l'esp?ce !

Visages promis ou perdus ? D?couverts ou recouverts ? Dans Le monologue du peintre Georges Charbonnier questionne Henri Matisse : ? Comment se fait-il que dans l'oeuvre d'un assez grand nombre de peintres contemporains, le visage humain devient anonyme ?
Henri Matisse : Est-ce pour moi, que vous dites cela, parce ce que je ne mets pas d'yeux, quelquefois, ni de bouche ? mes personnages ? ...mais c'est parce que le visage est anonyme. Parce que l'expression porte dans tout le tableau ; les bras, les jambes, tout cela ce sont des lignes qui agissent comme dans un orchestre, un registre, des mouvements, des timbres diff?rents. Si on met des yeux, un nez, une bouche, ?a n'a pas grande utilit?, au contraire cela paralyse l'imagination du spectateur et ?a oblige ? voir une certaine personne d'une certaine forme, une certaine ressemblance etc... tandis que si vous donnez des lignes, des valeurs, des forces, l'esprit du spectateur s'engage dans le d?dale de ces ?l?ments multiples... et alors l'imagination est d?livr?e de toute limite ! ?

À transgresser ces limites de l'observation au profit de l'imagination, comme le dit Matisse, le Portrait, qui a été notre code de représentation du visage pendant quatre ou cinq siècles pourra être vu, de manière vertigineuse, comme un court intermède esthétique à l'échelle de l'Histoire ! Il deviendra alors moins absurde, par quelques confrontations de vouloir rapprocher ces visages préhistoriques, apparitions floues, des visages de l'art d'aujourd'hui, terriblement disparaissants. Ne faudra-il pas, alors rechercher une figuration humaine, ni dans son reflet, ni dans la symbolisation animale... ni homme, ni bête ?