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"Roucadour l'art initial gravé"
Première publication de la majorité des gravures et peintures préhistoriques ( - 28.000 ans env.) de la grotte de ROUCADOUR - Lot - , découvertes (en 1962) par Jean-Paul Coussy. Texte sur la main de Sapiens sapiens de Pierre Daix historien d’art, extraits d’études d’André Glory préhistorien (à l’époque chargé de l’étude de Lascaux, décédé depuis). Cet exceptionnel patrimoine d’art pariétal préhistorique classe dorénavant le Quercy parmi les régions les plus anciennes de l’histoire de l’humanité.

Pour commander cet ouvrage en ligne et accéder au site sur la grotte de Roucadour, cliquez sur l'image ci-dessous :

Les mains négatives dans le monde : Graffiti, artistes ou chamanes ?
Jean CLOTTES

Extraits du livre de Jean Clottes et David Lewis-Williams - dernière édition 2001
édition La maison des roches


L'être composite de la Grotte des trois frères
Chapitre "Après les chamanes, polémique et réponses"
Une série de questions nous a été posée, soit dans les comptes rendus de notre ouvrage, soit ultérieurement, lors de conférences par exemple. Elles portent sur :
- l'état de conscience des artistes;
- leur qualité;
- la gaucherie de certaines représentations;
- l'origine, neurologique ou non, des thèmes;
- le faible nombre d'humains; .
- la double logique des grandes salles et des recoins isolés;
- la matérialisation des visions et sa nécessité.
Il va de soi que, pour résoudre la plupart de ces problèmes, aucune preuve formelle n'est à notre disposition et que l'on ne peut formuler que des hypothèses, même si elles se fondent sur un certain nombre d'arguments. L'idée de peintures ou de gravures élaborées réalisées systématiquement en état de transe n'est certainement pas la nôtre. La personne en transe, par définition, n'est pas en mesure de maîtriser les subtilités techniques et esthétiques du dessin, surtout pour les reuvres naturalistes des cavernes paléolithiques. La réponse est donc claire à cet égard. Les artistes étaient par nécessité pleinement conscients lorsqu'ils ont dessiné de belles reuvres naturalistes sur les parois.


Cheval pommelé de la Grotte de Pech-Merle

La peinture a par elle-même un pouvoir, que le spécialiste religieux devait exercer. Le problème se posait sans doute différemment pour l'art mobilier, créé dans un tout autre contexte que l'art des cavernes, et peut-être aussi - mais pas nécessairement - pour l'art à la lumière du jour. Il est même possible d'aller plus loin et de spéculer, sur la base des faits connus, au sujet de la sélection des chamanes et de l'enseignement qu'ils recevaient. Compte tenu de la qualité, le plus souvent remarquable, des représentations pariétales dans les cavernes, on ne saurait exclure que les aptitudes artistiques précoces eussent été recherchées chez les enfants et qu'elles eussent constitué un critère majeur dans le choix des futurs chamanes. Au cours de leur formation, ces qualités auraient pu être encouragées et développées. Après tout, la capacité de reproduire le réel - et par là même d'exercer un contrôle sur les forces naturelles et surnaturelles - peut être perçue comme ressortissant de la magie. En revanche, la gaucherie de certaines représentations, les tracés et les marques indéterminés, les mains négatives (qui comptent des mains d'enfants) pourraient témoigner des activités d'autres personnes, qui participaient aux rites (de guérison, d'initiation, etc.) à leur façon. Le choix des thèmes représentés était, à notre avis, d'origine neurologique pour les signes géométriques simples, ubiquistes, qui proviennent des phosphènes, ces images qui se forment à l'intérieur de la rétine et qui accompagnent la transe. Ils pouvaient l'être aussi pour bon nombre des images peintes ou gravées, dans la mesure où elles provenaient de visions recherchées. Toutefois, on ne saurait trop insister sur le fait que le contenu des visions devait être contrôlé, canalisé et d'une certaine façon induit par l'apprentissage reçu et par les impératifs culturels qui régissaient celui-ci. L'origine réelle de ces thèmes était donc - et ne pouvait être que - culturelle. Leur signification, comme celle des signes géométriques, ne pouvait manquer de varier, elle aussi, en fonction des cultures, des époques et des lieux.

Dans les cavernes paléolithiques, on constate la double logique de grandes salles et de recoins ornés. Ces lieux, où une ou deux personnes seulement pouvaient se trouver en même temps, n'ont pas été fréquemment visités, à en juger par l'absence de traces. Là, ce ne pouvait être le résultat qui comptait, c'est-à-dire l'image, mais sa réalisation, l'acte lui-même. Les grandes salles, en revanche, présentent souvent des images plus élaborées et spectaculaires (Niaux, Lascaux, Chauvet, Pech-Merle, etc.), comme si elles étaient délibérément destinées à être contemplées. Des groupes pouvaient s'y rassembler. Comme la perpétuation de la tradition pendant plus de vingt millénaires est un fait acquis et qu'elle implique un enseignement dogmatique, il est possible que ces salles aient à l'occasion joué un rôle dans ce processus.

Deux flèches barbelées percent cet animal de la Grotte Cosquer
Enfin, pourquoi matérialiser les visions ? Des témoignages ethnologiques fournissent des éléments de réponse. Par exemple, en Californie et au Nevada, les chamanes peignaient leurs visions sur la roche le jour suivant. On pensait que, s'ils ne le faisaient pas, ils pourraient tomber malades et mourir. Les lieux ainsi décorés étaient chargés de pouvoir et facilitaient de nouveaux «voyages» (Whitley, 2000), rôle que les grandes salles ornées de nos cavernes ont également pu tenir. Chez les Wanas, dans le centre-est des Célèbes, en Indonésie, les chamanes vont à la rencontre des esprits (souvent des animaux qui se transfonnent en hommes), la nuit dans la forêt, car c'est là qu'ils se trouvent. La forêt joue donc un rôle comparable à celui de la caverne ou de l'abri dans d'autres contextes. Ils consomment des fruits hallucinogènes pour avoir des visions, qu'ils racontent ensuite au groupe: les raconter renforce leur pouvoir intrinsèque. Le récit a dans ce cas la même fonction que le dessin ailleurs. La matérialisation des visions pouvait donc avoir des justifications multiples et complémentaires: les concrétiser par nécessité vitale; ajouter à leur puissance; induire de nouvelles visions; ouvrir une porte dans le monde des esprits avec lesquels on désire entrer en contact; avoir une utilité mnémonique, comparable à celle de l'iconographie dans la tradition judéo-chrétienne (Chaumeil, 1999, p. 45).

Nous avons lu et écouté attentivement les critiques qui nous ont été faites. Certaines nous ont étonnés par leur ton et leur contenu. Elles eurent du moins le mérite de nous obliger à approfondir notre réflexion, à préciser certaines de nos positions, à aller plus loin, à la fois dans notre entreprise de meilleure compréhension de l'art paléolithique, mais aussi sur le plan épistémologique. La recherche scientifique n'est jamais neutre et éthérée. Les passions, les préjugés, les conservatismes, jouent un rôle non négligeable, encore que rarement mis en évidence, dans les prises de position. C'était l'occasion d'analyser ce phénomène à partir de faits concrets, puisqu'il s'est manifesté avec un éclat tout particulier à propos de notre ouvrage. Quatre années écoulées nous donnent un recul suffisant. L'avancée de la recherche en matière d'art pariétal et dans d'autres domaines (ethnologie, par exemple), les découvertes effectuées, à la grotte Chauvet et ailleurs, les éléments que nous ignorions qui ont été portés à notre connaissance ne sont pas allés à l'encontre des hypothèses avancées dans notre livre: ils les ont plutôt renforcées.


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