ARPEC

Lascaux, « La construction de l'édifice graphique Technologie des figures »
Norbert AUJOULAT

Norbert Aujoulat

Technologie des figures

Au cours de l'exécution d'une oeuvre figurative, l'artiste ne peut se fonder que sur ce qu'il a mémorisé ; l'écart de temps entre l'observation et la représentation, ainsi que la différence de lieu au cours de ces deux activités, sont des contraintes susceptibles d'apporter une transformation au moment de la traduction de l'image à l'aide de traits, de points ou d'aplats. Seuls sont enregistrés et reproduits les éléments essentiels du modèle. Leur rendu peut donc parfois se faire aux dépens de la réalité graphique.
Deux formes d'expression graphique dominent l'art pariétal paléolithique, le dessin et la gravure. (p.200)

Vache Noire peinte et gravée de Lascaux

Tracés élémentaires et instrumentation

Le tracé élémentaire, tel que nous le définissons, est l'expression minimale de la figure. Il s'identifie à chaque impact résultant de l'action de l'outil sur la paroi, par dépôt (pigment) ou par enlèvement de matière (gravure). Il peut être de forme ponctuelle, linéaire ou surfacique. La multiplication et l'assemblage ordonné de ces unités, mais aussi leur emploi simultané, aboutissent à la création formelle de signes, d'humains ou d'animaux. L'analyse graphique procède par dissociation de l'image en autant d'éléments, ce qui permet une observation plus approfondie, étendue ensuite à la totalité de la figure. (p.201)

Renne gravé de Lascaux

Tracés composés et polychromie

Les techniques graphiques mises en oeuvre à Lascaux reposent sur la peinture, le dessin et la gravure. L´apparente diversité technologique tient aux combinaisons des trois. Elles peuvent être utilisées indépendamment ou associées par deux - peinture et dessin, peinture et gravure -, exceptionnellement par trois.
Leur différenciation ne pose que peu de problèmes, sauf pour certaines figures de l'Abside. L'altération par corrosion, phénomène plus aggravant sur les surfaces peintes que gravées, ne permet pas, à l'occasion, de juger de l'état exact des oeuvres et de distinguer les figures peintes-gravées très dégradées des figures essentiellement gravées. Mais, dans certains cas, cela devient possible lorsque, dans l'enchevêtrement des motifs, les contours incisés recoupent des aplats de couleur appartenant à des figures plus anciennes. Comme pour les formes élémentaires, la répartition des tracés composés dépend étroitement des propriétés mécaniques des supports. Il en est ainsi pour les segments dessinés ou gravés. Pour un même élément anatomique traduit par un aplat et représentant une encolure ou un corps animal, les lignes de structure seront traitées au pinceau dans le premier secteur - la Rotonde et le Diverticule axial -, par gravure dans les autres parties du sanctuaire.
Les choix technologiques observés peuvent, certes, dépendre de facteurs tels que l'architecture du milieu, l'enchaînement topographique des galeries ou le protocole choisi.Il serait imprudent, pourtant, d'attribuer à une expression graphique donnée une valeur quelconque, puis d'établir une hiérarchie entre elles. Indépendamment de leurs dimensions et, bien évidemment, des thèmes reproduits, la charge symbolique d'une peinture reste, semble-t-il, identique à celle d'un dessin ou même d'une gravure. (p.207)

Ponctuations noires à Lascaux

Extraits de « Lascaux, le geste, l´espace et le temps», Norbert Aujoulat. Collection « Arts Rupestres » édit. du Seuil, mai 2004
La grotte de Cussac en Dordogne, contient environ 200 figures gravées
datant d'au moins 22 000 ans d'après les spécialistes
"L'iconographie du site tire son originalité de la présence de représentations animales rarement exprimées dans ce contexte, notamment des oiseaux, mais aussi des figures étranges, aux mufles allongés, la gueule ouverte, dont l'identification précise reste du domaine des hypothèses".
"appartenant toutes au bestiaire traditionnel du monde paléolithique, à savoir mammouths, rhinocéros, cervidés, et en nombre plus important bisons et chevaux. Le caractère monumental de ces gravures, avec certains panneaux de 25 m de long couverts de 40 figures dont un bison de 4 m de long, un des plus grands de l'art pariétal, souligne l'intérêt archéologique de la grotte de Cussac".

Norbert Aujoulat, Centre National de Préhistoire, du Ministère de la Culture